Les coulisses d’une photo #01 : le Taj Mahal, en Inde

Cette photo date de quelques années, à l’occasion d’un reportage. Je devais ramener un article et des photos pour un magazine de voyage :

Le Taj Mahal, à Agra, en Inde. Nikon D200 – Tamron 17-50mm F/2.8 – 30 secondes à F/2.8, ISO 125 © Clément Racineux / Tonton Photo

Le contexte

Je visite le célèbre temple du Taj Mahal, dans la ville d’Agra en Inde, en fin de journée, lorsque des gardiens viennent demander aux visiteurs de quitter le site car la fermeture est en cours.
 
Sur le chemin du retour, je me retourne vers le Taj Mahal et m’aperçois que la lumière est magnifique (il fait quasiment nuit, mais les couleurs sont très belles).
Il me faut absolument capter cette scène, qui a le potentiel d’une photo publiable.
 

Premier problème : il fait sombre et je n’ai pas de pied photo…

Pas le choix, je dois donc m’adapter. Je cherche donc un support sur lequel poser mon boîtier pour rester stable, car je sais que manque de lumière = pose lente, voire longue.
 
Je repère alors une sorte de terrasse en marbre, surélevée d’environ 1,80m par rapport au sol.
J’y pose donc mon appareil, mais ma position par rapport à la terrasse n’est pas très commode, et le très grand nombre de visiteurs m’empêche de cadrer comme je le souhaiterais (tout le monde veut cette photo ! ;)).
 
Qu’à cela ne tienne, je décide donc d’inclure les visiteurs dans l’image. Parmi ces visiteurs, beaucoup se déplacent rapidement car les gardiens les rappellent à l’ordre. Mais d’autres restent calmes, assis sur des bancs.
 
Afin de montrer des êtres humains contemplant la grandeur de cette architecture, je les inclus donc dans ma composition en choisissant mon plus grand angle à cette époque : un 17mm (sur un capteur APS-C, donc équivalent à 25,5mm).
 
Je place donc un banc au premier plan à droite et, dans le fond à gauche, le Taj Mahal sur lequel je fixe ma mise-au-point.
 

L’intérêt de ce cadrage est double :
1/ ma photo a de la profondeur, avec deux plans bien distincts.
2/ Mon image a un sens de lecture : on comprend que les visiteurs regardent le bâtiment.

Second problème : les gens n’arrêtent pas de passer devant mon objectif

…et leurs jambes cachent donc le bâtiment. Je me rends donc compte qu’il serait vraiment bien de flouter ces personnes, afin de rester dans le domaine de la suggestion, mais aussi pour conserver le Taj Mahal en tant qu’élément essentiel de l’image.
 

Je passe donc à une pose vraiment longue de 30 secondes.
C’est ainsi que les mouvements des visiteurs deviennent quasi transparents, ce qui suggère bien le mouvement et confère à mon image un effet fantomatique très original.

 
PETITE ASTUCE : avant de prendre ma photo, je règle le retardateur sur 5 secondes, afin de ne pas faire trembler mon appareil lorsque j’appuie sur le déclencheur. Cela créerait un flou de bougé qui gâcherait ma pose longue.
 

Si c’était à refaire ?

Si c’était à refaire aujourd’hui, avec un peu plus d’expérience :
 
> je choisirais une ouverture plus petite que F/2.8, pour assurer une meilleure netteté du Taj Mahal. J’ouvrirais sans doute à F/5.6 (pas beaucoup plus car je souhaite conserver une faible profondeur de champ pour flouter les visiteurs et le premier plan),
 
> quitte à augmenter légèrement la sensibilité pour gagner en luminosité (à l’époque j’étais un peu bloqué sur les questions de sensibilité, car mon D200 n’avait pas une gestion du bruit exceptionnelle lors de la montée en ISO).
 
> Enfin, je corrigerais la déformation optique au post-traitement, ce que je ne savais pas faire à l’époque (la déformation dûe au grand-angle est nettement visible sur la gauche du Taj Mahal où la tour semble pencher comme celle de Pise… dans la réalité elle est parfaitement droite ;))
 

J’espère que cette anecdote sur les coulisses d’une photo vous permettra de mieux comprendre la construction d’une image. Il s’agit par ailleurs d’une excellente illustration du fait que la contrainte est source de créativité !
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